FR. La catégorie des « portraits » photographiques semble pouvoir faire l’économie de commentaires introductifs. Pourtant, nous savons bien qu’au travers des visages saisis, il est bien davantage donné à voir que le photographié et même derrière lui le photographe. Il s’agit ici de restituer au travers de visages d'inconnus, ravinés par les épreuves sociales et individuelles, une humanité sensible qui tend ordinairement à demeurer invisible. Ce symptôme de disparition touche plus particulièrement les femmes âgées "démonétisées" au fur et à mesure de l'érosion de leurs attraits érotiques. Les hommes paraissent mieux préservés car la masculinité est socialement construite sur des bases reposant moins sur l’érotisation des apparences physique que de la détention de divers pouvoirs selon différents champs (argent, force, position sociale, intelligence, politique, etc.).
Dans ces séries les minorités ethniques sont moins directement apparentes. Mais de façon similaire à la série "Asian ethnic minorities Portrait", se combinent et se renforcent: la vieillesse, le fait d'être une femme, et d'une classe sociale défavorisée. L’intersection de ces dimensions fonctionne comme un effacement de l'espace social, un vecteur d'éléments de disparition, disparition ressentie souvent douloureusement. Ma démarche ne vise pas à la dénonciation mais cible les rapports d’altérité où s’entrecroisent les statuts sociaux de personne âgée, de classe sociale et de genre.
Au-delà de ce qui nous sépare, semblent exprimer ces visages usés, ce qui nous rapproche est bien plus au fondement de notre « moi-individu ». Ils révèlent une dignité empreinte d'une lourde gravité due à des conditions de vie souvent très précaires. Ils illustrent alors avec à propos la réflexion de Lévi-Strauss : ce qui nous rapproche est bien plus important que ce qui nous sépare… en tant que groupes mais aussi comme individus confrontés aux expériences douloureuses accumulées au cours d'une vie. Il est bien difficile de vouloir cerner exhaustivement ce que ces portraits nous renvoient de cette humanité, portraits qui agissent comme autant de miroirs coupants reflétant les expériences intimes de notre propre monde.
EN. The category of photographic "portraits" seems to be able to omit introductory comments. However, we know that through the faces seized, it is much more given to see than the photographed and even behind him the photographer. It is a matter here of restoring, through the faces of strangers, ravished by social and individual trials, a sensitive humanity that usually tends to remain invisible. This symptom of disappearance particularly affects older women "demonetized" as erosion of their erotic attractions. Men seem better preserved because masculinity is socially constructed on bases resting less on the eroticization of physical appearances than on the possession of various powers according to different fields (money, strength, social position, intelligence, politics, etc.).
In these series, ethnic minorities are less directly apparent. But in a similar way to the series "Asian ethnic minorities Portrait" combine and reinforce themselves: old age, being a woman, and a disadvantaged social class. These characteristics act as much. The intersection of these dimensions functions as an erasure of the social space, a vector of elements of disappearance, disappearance painfully felt. My approach is not aimed at denunciation, but targets the relationships of otherness where the social status of the elderly, social class and gender intersect.
Beyond what separates us, seem to express these worn faces, what brings us closer is much more the foundation of our "self-individual". They reveal a dignity of heavy gravity due to often very precarious living conditions. They illustrate Lévi-Strauss's reflection: what brings us together is much more important than what separates us ... as groups but also as individuals confronted with the painful experiences accumulated during a lifetime. It is very difficult to want to comprehend exhaustively what these portraits send back to us from this humanity, portraits that act like so many sharp mirrors reflecting our intimate experiences and our own world.